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Estaminet lyrique, Rechsteiner, Marzorati, Béranger

 

Lieu du concert :
Café l'Alhambar (Rôtisserie, 10)
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Heure du concert :
20h30

Iconographie
Caillebotte

Prix des places
30.- / 20.- (AVS) / 10.- (membres et étudiants)

Musiciens

Arnaud MARZORATI   chant
Benjamin RIGHETTI    piano
Yves RECHSTEINER    harmonium

L'Estaminet Lyrique

« Vous aimez la musique et vous ne craignez ni les excitations alcooliques ni l’odeur du tabac. Allez donc au passage Jouffroy ; il y a là un immense estaminet (un café chantant) où fonctionnent chaque soir deux à trois cents pipes endiablées : l’Estaminet Lyrique !
Vers dix heures du soir, quand la foule et la fumée sont compactes, si vous avez pu parvenir à trouver une place libre auprès du théâtre, vous verrez apparaître un homme étrange.
A son aspect, le silence le plus profond s’établit ; les pipes les plus actives cessent de fonctionner, on avale la fumée des cigares, le garçon de café s’arrête ; la Proserpine du comptoir dit un mot et les promeneurs sentent leurs jambes frappées d’immobilité, leurs pieds cloués au sol. Voilà Darcier !
Sa figure exprime déjà le caractère du personnage dont il va vous chanter la sombre ou naïve ou lamentable histoire…
Il est en scène, il agit, gesticule, il passe en chantant mais avec une telle verve, une telle profondeur de sentiment, une passion si vraie, si exubérante en entremêlant son chant d’ornements si extraordinaires, de notes si imprévues, de cris sauvages, d’éclats de rire, de mélodies associées, de sons étouffés, tendres, délicieux, qu’on se sent pris, ému, bouleversé, et qu’on en vient à pleurer, ou à rire de tout son cœur.
Joseph Darcier est un artiste…. » C’est Hector Berlioz, lui-même qui nous parle.

Mais ce soir, le 17 Juillet 1857, Joseph Darcier est encore plus grand que les autres fois…
Il a assisté dans la journée aux funérailles de notre poète Béranger.
Environ deux cent mille individus (selon la police), ouvriers, artistes, bourgeois, encombraient les rues adjacentes à celles que devait suivre le cortège à Paris. Les uns étaient accrochés aux barreaux des marchands de vins ; d’autres montés sur des murs, sur des charrettes, sur des bornes. Toute la population était aux fenêtres.
Ca a été partout un véritable triomphe pour la mémoire du poète.
Du sein de ces foules sympathiques, du fond de ces poitrines émues, il s’élevait à chaque instant, à chaque embranchement de rue, à chaque détour, de formidables cris, de longues clameurs, et tous et toutes heureusement unanimes, disant : « Honneur à Béranger ! »

« Honneur à Béranger ! » gueule le grand Joseph, le verre à la main… «  Honneur à notre Poète National ! » lui répondent les deux à trois cents pipes endiablées.
Et Joseph Darcier, va rendre hommage à l’Empereur des chansonniers et déclamer les plus célèbres chansons de Pierre-Jean Béranger.

C’est ainsi que cela s’est passé le 17 juillet 1857, le soir, à L’Estaminet Lyrique, un café chantant à Paris….

Pierre Jean Béranger et Joseph Darcier sont aujourd’hui des hommes qui n’ont plus place dans nos encyclopédies et nos manuels de musicologie…L’un est méprisé, l’autre oublié.
Pourtant, les deux hommes furent des légendes vivantes, idolâtrés par les foules et par des artistes tels que Balzac, Sainte Beuve, Berlioz, Victor Hugo, Chateaubriand, Lamartine, Stendhal…
L’un fut le poète absolu à qui l’on proposa par deux fois l’Académie Française, et que l’on chanta dans toute l’Europe, jusqu’en Russie.
L’autre fut appelé le Frédérick Lemaître des barytons. Tout Paris désirait le voir, l’entendre, l’applaudir ; son nom était sur toutes les lèvres et dans toutes les chroniques.

Pourquoi ce silence, pourquoi nos historiens boudent-ils ces deux personnages incontournables de la grande Comédie Humaine du 19 eme Siècle ?
Parce qu’on a cru que les textes de Béranger étaient pauvres ou simplistes et qu’un chanteur qui chantait dans les cabarets n’était pas de la taille d’un Garcia ou d’une Malibran.
Mais en 1857, le jour de notre récital, le 17 juillet, à l’Estaminet Lyrique, on pensait tout autrement…

D’abord, dans les cafés chantants, n’importe qui n’y allait pas !
Y passèrent entre autres Hoffmann, Méhul, Dumas, Berlioz, Baudelaire, Courbet, les Goncourt… et tous les romantiques (il faudrait plusieurs pages pour les citer).
Ensuite, les chansonniers tels que Béranger, Desaugiers, Dupont, Debraux savaient qu’ils écrivaient pour être chantés et que leurs textes sans mélodies n’étaient plus grand-chose : tout comme aujourd’hui, il en serait de même pour des textes de Brel, Brassens ou Ferré…
Dans les cafés, on ne composait pas les grands opéras ou les somptueuses messes ; on faisait des chansons satiriques, politiques, philosophiques (on approuvait ou l’on contestait le pouvoir : par deux fois Béranger fit de la prison) et l’on mettait ces textes d’actualité sur les grandes musiques de l’époque ou d’antan ; et l’on improvisait avec tout le talent que l’on pouvait avoir !
Car n’allez pas croire que tous ces interprètes étaient de piètres musiciens, bien au contraire !
On est à l’époque de Chopin, Liszt, Rossini ; on connaît Beethoven, Schubert, on a eu Mozart, et tous improvisaient à merveille.
L’improvisation n’est pas morte en 1789, et elle n’a pas pris seulement place que dans les salons bien installés de la bourgeoisie où Liszt affronta le terrible Thalberg.
Le 19 eme Siècle se façonna également dans tous ces incroyables cafés chantants qui plus d’une fois ébranlèrent Paris par leurs idées révolutionnaires.
Plus d’une fois le pouvoir (qu’il fut royaliste ou républicain) craignit ces forces créatrices et subversives ; Vidocq, l’ancien bagnard, devenu chef de la sûreté, envoya dans ces « goguettes » des mouchards et des agents provocateurs.
On prétendit que les chansonniers conspiraient contre le gouvernement et se réunissaient pour chanter des couplets séditieux.
Il est vrai que plus d’une rime fit trembler ou même crouler un puissant, un monarque ou un gouvernement…
Et il ne serait pas excessif, de croire, tout comme Balzac le croyait pour le journalisme, que la plus puissante des armes intellectuelles, à l’époque des romantiques, fut la chanson.

 

17 Juillet 1857, Joseph Darcier, baryton Lyrique, chante Béranger, l’Empereur des chansonniers…
C’est sur cet évènement réel, la mort de Pierre Jean Béranger, que nous avons conçu notre récital fictif pour voix, piano forte et harmonium ; le piano forte étant l’instrument phare de tous les compositeurs du 19 eme Siècle et l’harmonium, celui qui fut pratiqué dans tous les salons et qui inspira entre autre, Rossini, Liszt et Gounod…
Nous avons souhaité retranscrire avec l’association des deux couleurs d’instruments cette atmosphère à la fois savante et décadente qui pouvait s’extraire de tout ce répertoire oublié.
Et nous avons, nous aussi, eu le désir d’improviser sur tous ces grands airs célèbres à l’époque et de nous les approprier comme un chansonnier aurait pu le faire avec ses amis, entre deux verres de liqueur et les longues volutes de la fumée des cigares.

« Vous aimez la musique et vous ne craignez ni les excitations alcooliques ni l’odeur du tabac… »
Alors laissez vous tenter, laissez vous enivrer par cette folie romantique, jouez au cœur de la « Comédie Humaine » ; imaginez que ce soir, Arnaud Marzorati sera Joseph Darcier et qu’avec ses compères Freddy Eichelberger et Yves Rechsteiner, ils vous transporteront à L’Estaminet Lyrique...

Imaginez que Nerval ou Delacroix sont à vos côtés et que peut-être eux aussi, ils interprèteront une chanson, car ces deux artistes se sont également essayés à la romance…
Imaginez que vous avez laissé votre chapeau haut de forme aux vestiaires et que vous retournerez dans votre garçonnière parisienne, dans une calèche dont les roues claqueront sur les gros pavés des boulevards qui ne sont pas encore « Haussmanniens »…
Jouissez des sons, des ornements, des cris et des mots qui vous feront revivre au temps des romantiques. A cette époque, on les prenait pour des sauvages.
Improvisez avec nous, mais surtout n’oubliez pas que ce soir Béranger est mort…
« Honneur à Béranger ! »

Programme  
 
Pierre Jean Béranger
 
 
 

 

l'Estaminet Lyrique

 

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